Siège de l'UPL : 31 Rue des Foulons F 67200 STRASBOURG Contact : unionprotlib@free.fr ou winstein@free.fr

Vivre,
croire,
réfléchir,
avancer

Comme la pensée, que rien ne peut jamais enfermer contre notre gré,
la foi vit et se vit en toute liberté.
Telle les sciences qui ouvrent de nouveaux espaces, toute religion évolue,
même alors qu'elle proposerait un code moral
ou un système de pensée.
E. Winstein

Bienvenue

sur le site de l'Union Protestante Libérale

http://unionprotlib.free.fr

L'Union Protestante Libérale propose un terrain de rencontre où puisse se dérouler un débat respectant les sensibilités et les convictions de chacun, tout en affirmant l'exigence d'une réflexion et d'une recherche sérieuses et approfondies, tant sur le plan théologique qu'en matière d'analyse des questions de société.

Présentation du programme 2017-2018

L’année 1517 était le point de départ d’un grand mouvement qui, certes, se crispera sur des conflits de pouvoir provoquant pour les populations des souffrances non souhaitées par les initiateurs, mais ouvre aussi un vaste champ de réflexion. Elle est aussi l’aboutissement de mouvements antérieurs au XVIè siècle, en général réprimés, mais dont les idées n’ont pas disparues avec les tentatives d’éradication. Les structures féodales du Moyen-âge si elles ont résisté physiquement, n’ont pas réussi à tenir en tenaille la liberté de penser et de croire.
C’est ce que le programme de la saison 2017-2018 de l’Union Protestante Libérale tient à mettre en relief. En commençant par une réflexion sur la liberté de croire comme antidote à une pensée rigide (café théologique du 5 octobre), en passant par une information sur le mouvement antérieurs à la Réforme conférence de Michel Mathien), l’association, présidée par Ernest Winstein, fera découvrir des personnalités marquantes des cheminements spirituels et les réflexions sociétales comme Jan Hus, Wolfgang Musculus, Beatus Rhenanus, pour arriver à quelques aboutissements plus récents, voir contemporains (Luther vu par Schweitzer - conférence de Jean-Paul Sorg) et l’émergence des courants anglo-saxons de John Cobb à John Spong (conférence de Gilles Castelnau) et de la critique constructive du mouvement théologique dit libéral. Ce travail est en lien avec la manière dont nous abordons aujourd’hui les questions de société : la liberté de penser est à la base du progrès de la civilisation. Elle est la condition même de l’expression démocratique des peuples.
Ernest Winstein, président de l’Union Protestante Libérale.
ernest.winstein@icloud.com

Télécharger le programme 2017/2018

Notre publication « Emergence et devenir des religions » est toujours disponible à la librairie Oberlin.


Prochaines rencontres

 

Conférences

- Mardi 24 octobre 2017 à 18h30 à l’AUP

Michel Mathien : « Un enjeu capital de la Réforme : sortir de l'ordre social féodal et ecclésial »
Avant la Réforme, d’autres tentatives « réformatrices » s’étaient manifestées. Un siècle avant Luther, Jan HUS a drainé un puissant mouvement en Bohème. Malgré la condamnation à mort de Hus, le mouvement ne put jamais être éradiqué. Avant les Hussites il y eut les Cathares… L’ordre social, temporaire et religieux, ne supportait pas la libre pensée qui est un défi pour tout pouvoir abusif.

Lieu : Aumônerie Universitaire Protestante (AUP)

7, Av. de la Forêt-Noire à Strasbourg

 

- Jeudi 7 décembre 2017 à 18h30  

Gilles CASTELNAU: "Avancées réformatrices contemporaines : la théologie anglo-saxonne. De John Cobb à John Spong (auteur de « Jésus pour le XXIè siècle ») »
Les théologiens anglo-saxons libéraux du dynamisme créateur  ne disent plus que Dieu est un être surnaturel demeurant au ciel à l¹extérieur du monde mais qu¹il est le fondement vital de tous les êtres ?
Il n¹est pas tout-puissant mais il est la puissance elle-même. La vie chrétienne ne consiste pas tant à croire des vérités théologiques abstraites mais à entrer dans la puissance transformatrice de l¹esprit divin.
La pasteur Gretta Vosper pense que l¹idée même de Dieu est irrécupérable tant elle est associée à l¹image de « quelqu¹un là-haut dans le ciel ».
Gilles Castelnau dirige le site « Protestants dans la ville ». Il est traducteur de nombreuses publications en langue anglaise.

Lieu : Aumônerie Universitaire Protestante (AUP)

7, Av. de la Forêt-Noire à Strasbourg

 

- Jeudi 18 janvier 2018  à 18h30

Jean-Paul SORG : « La réforme de Luther vue par Schweitzer ».
De Luther, Albert Schweitzer a écrit que "ce puissant novateur" a eu "le courage et la force d'affirmer sa volonté religieuse et d'en développer les potentialités en toute liberté". Un exemple toujours actuel?
Jean-Paul Sorg-Gross est chroniqueur-conférencier, traducteur, spécialiste d’Albert Schweitzer.

Lieu : Aumônerie Universitaire Protestante (AUP)

7, Av. de la Forêt-Noire à Strasbourg

 

- Mardi 20 mars 2018

Dr. Libuse Rösch : « Jan Hus, le Réformateur d’avant la Réforme ».
Madame Rösch est directrice du Musée Hus à Constance. Avec projection de documents visuels. En langue allemande - résumé en français fourni Traduction du débat. Lieu à préciser : AUP ou BNU.

 

- En prévision pour l’automne 2018: Régine LEHNER, Beatus Rhenanus.

- Vendredi 8 février à 18h à Saint-Guillaume : Commémoration « 20 ans de présence théologique libérale en Alsace ».

 

Cafés théologiques

Les rencontres ont lieu à 18h30 au Café Michel, Avenue de la Marseillaise à Strasbourg.

- Jeudi 5 octobre 2017 : Foi « libérale », antidote d’une pensée figée (Introduction par E. Winstein)

 

- Jeudi 14 novembre 2017 : Wolfgang Musculus, témoin de Luther (reprise demandée de la conférence de E. Winstein). Après Lixheim, Strasbourg, Dorlisheim, Wolfgang Musculus, le moine réformateur devient l’une des figures majeures de la Réforme du XVIè siècle, et marquera de son engagement Augsbourg et Berne.

 

- Jeudi 1er février 2018 et Jeudi 5 avril 2018 : thèmes aux choix des participants.

 


****
Lundi 4 juin 18h30 : Assemblée Générale de l’UPL.


Sommaire du site

 

Notre nouvelle publication

"Emergence et devenir des religions"

est disponible ! - au prix de 12€

Vous la trouvez en librairie :

Librairie Oberlin 22 Rue de la Division Leclerc à Strasbourg , tél. 03 88 32 45 83

et Librairie Kléber Rue des Francs-Bourgeois à Strasbourg

A Paris : Librairie 'Un temps pour tout" 47 R de Clichy (75009), tél. 01 45 26 27 27

Elle peut être commandée au siège de l'UPL 31 R des Foulons à 67200 Strasbourg, tél. 06 10 92 92 42. Ajouter 3,75 € pour les frais d'envoi en tarif lettre.

Introduction : Vers une "religion" humaniste" ?

Que reste-t-il de Dieu dans le monde d'aujourd'hui? Si les esprits critiques ont appris à reconnaitre les limites d'une connaissance s'appuyant sur la seule raison, d'autres s'accrochent à leur dogmes reçus jusqu'à pratiquer, au nom de leur foi ou de l'idée qu'ils se font de Dieu, l'exclusion, la condamnation, l'élimination de ceux qui ne partagent pas leurs convictions souvent érigées en principes totalitaires. Les uns gardent l'horizon ouvert quant à leur recherche, les autres se le ferment de peur de s'obliger à reconsidérer leurs acquis. Leur Dieu est-il le même? D'autres encore, face aux phénomènes naturels qui tournent en catastrophes parce qu'ils provoquent d'innombrables victimes, concluent à l'absence ou à l'impuissance de Dieu. Tous, ne cherchent-ils pas une présence?

Un Dieu impuissant ?
N'est-ce pas là une belle insolence que de constater, après tant de siècles de christianisme professant la toute-puissance divine - notamment, par le biais de la formule trinitaire du symbole dit des apôtres et du credo de Nicée Constantinople - que Dieu est impuissant!
De tout temps les humains, et les chrétiens comme les autres, ont cherché des explications aux phénomènes incontrôlables et plus particulièrement à la souffrance humaine lorsque celle-ci paraît injuste. On a pu trouver que les voies de Dieu étaient impénétrables, que ses intentions et plans étaient insondables, que seul Dieu pouvait connaître les raisons de certains malheurs.
Mais, alors que l'image du Dieu justicier s'est estompée au fil d'une pensée plus libre, laissant la place à celle d'un Dieu de bonté, comment ne pas conclure à l'indifférence, voire à l'absence de la divinité face aux malheurs humains?
Peu importe, pensait l'Humanité qui, sûre d'elle-même, de sa course au progrès et de ses capacités à contrôler son devenir, ne ressentait plus guère le besoin de recourir à une transcendance pour expliquer l'inexplicable, voire chercher à se rassurer par l'idée d'un regard divin posé sur elle.
Pourtant, voilà que la foi dans le progrès se trouve terriblement ébranlée. Que la construction de l'avenir demande parfois des retours à une organisation de l'économie plus proche de la vie au quotidien et que, face aux indomptables événements, l'homme contemporain, voire l'Humanité prend conscience de ses limites et ressent une solitude qu'elle croyait reléguée dans la nuit des temps. Une solitude qui, lorsqu'elle atteint l'individu, appelle tant de compensations parfois très artificielles. Alors Dieu reprendrait-il ses galons de noblesse ? Non pas parce que Dieu répondrait à toutes les questions humaines, mais par l'idée d'une présence...
Il faut bien constater que l'image ancestrale du Dieu unique qui émerge du polythéisme antérieur à la religion des Hébreux semble faire une place de choix au Dieu d'Abraham qui accompagne le nomade qu'il était. Une image plutôt rassurante...
Le besoin d'une telle présence rassurante demeure et revient même très fortement - pour preuve, ces efforts prodigués par les politiques pour rassurer, donner des ancrages dans des fondements sociaux stables.

Dieu, une réponse à la terrible solitude humaine?
L'être humain fait l'expérience de l'angoisse de la solitude dès la petite enfance. Il en a fait l'expérience depuis la nuit des temps, face aux dangers qui le menaçaient - qu'ils aient été naturels ou soient venus de ses congénères.
Certes, l'humain a su palier le sentiment de solitude par une organisation de la vie en société - tribu, peuples, aujourd'hui, fédérations ou union des nations. Le sentiment d'une présence transcendantale, divine, répond à sa manière à cette angoisse existentielle. Celle-ci et le questionnement au sujet de l'existence humaine, donc de son identité, se sont trouvés exprimés par des cérémonies religieuses collectives, par exemple entre les alignements de Carnac ou sur certains sommets vosgiens.
L'homme a-t-il créé l'idée de Dieu pour se rassurer ainsi, ou a-t-il pris conscience de ce quelque chose ou ce quelqu'un qui le dépasse, mais dont il ressent confusément l'existence?
Parce que nous partageons la deuxième hypothèse, nous continuons la réflexion sur le sens que donne à la vie la foi en Dieu, ce Dieu dont nous soupçonnons la présence dans le monde et dans nos vies.

Vers un consensus humaniste
Aujourd'hui, le sentiment de solitude atteint l'humain du fait de sa vie compartimentée et vécue individuellement, à l'écart de rassemblements ou d'agrégats humains.
Mais aussi le doute au sujet de sa capacité à donner au monde un avenir, la conscience d'une relative impuissance qui engendre forcément un sentiment de solitude et réactive des questionnements sur le sens et le devenir de l'existence.
En vertu de cette évolution ou grâce à elle, nous cheminons vers une réflexion religieuse délaissant ce qu'on pourrait appeler de fausses questions : la nécessité de compensations sacrificielles de la faute humaine, réelle ou prétendue, pour dégager une image plus dépouillée d'une divinité non moins impersonnelle, mais qui tienne compte de l'image du monde que nous donnent les sciences. Dieu, s'il est lié à la question des origines, ne peut être absent de la réalité humaine : nous sommes un écho de son existence.
Les religions sont-elles capables d'évoluer vers un consensus humaniste, une religion dont le centre est l'homme conscient de sa place toute relative dans l'univers, l'Humanité dont nous sommes constitutifs, la vie... ?
Aussi laborieux que puisse être cet accouchement dans les difficultés de la coexistence, l'homme conscient construira avec ses semblables un avenir à sa propre histoire. Sous le regard de Dieu, ajouterons-nous, en vertu de notre foi.

La publication "Emergence et devenir des religions" tente une sorte d'état des lieux - qui reste partiel. Elle propose des éléments de réflexion pour un cheminement vers un consensus humaniste. Si une telle démarche paraît ambitieuse et ne pourra se défaire d'une certaine partialité, elle exprime le souci de serrer de près les réalités qui font le quotidien des humains et jalonnent le devenir du monde.
Ernest Winstein

Notre publication : "Emergence et devenir des religions"

Champs croisés entre philosophie, politique et religions

Contribution de Jean-Brice JOST* - Résumé

Les interactions et les entrelacements entre les champs du politique et du religieux ont interpellé certains philosophes et leurs ont inspiré des ouvrages dont les points forts ont été repris pour composer ce texte.

Dans l'antiquité les religions étaient civiques et de la cité. Cet état de fait devait être considéré comme allant de soi par les philosophes d'alors, qui n'ont pas jugé utile d'y consacrer de longs développements.

- "Le traité théologico-politique" de Spinoza se place par contre, très explicitement au cœur de notre sujet. L'auteur est le précurseur de la méthode historico-critique d'analyse des textes bibliques. Il prend ouvertement parti en faveur de la liberté religieuse, mais fait également appel à l'état pour limiter les troubles liés aux différents entre les cultes.

- Régis Debray, dans "Dieu, un itinéraire" estime que la religion, comme toute activité symbolique, ne peut être comprise qu'à travers les conditions matérielles de son émergence ainsi que par l'examen des outils de diffusion de l'information et de la connaissance.

- Jean-Pierre Dupuy, dans "La marque du sacré" défend la thèse que le sacré nous a constitué et qu'il reste d'autant plus opérant à notre époque, que son influence est placée sous le masque de la rationalité. Il rompt également avec la théorie d'une temporalité linéaire, tant par son "Catastrophisme éclairé" où seule la vision d'une apocalypse inéluctable peut nous faire réagir efficacement, que par son "Temps du projet " où c'est le futur qui nous détermine.

- L'ouvrage de Marcel Gauchet "Le désenchantement du monde" décrit une évolution des sociétés humaines à l'aune du phénomène religieux. À l'origine le poids de la tradition et des mythes fondateurs était prépondérant. La religion, puis son dépassement ont permis aux humains d'acquérir une autonomie dans l'établissement de leurs structures sociales et politiques. Le sentiment religieux ne s'est toutes fois pas dissipé et resurgit sous de nouvelles formes dans les sociétés post modernes.

Aussi divers que soient les points de vue développés dans ces ouvrages, il s'en dégage néanmoins une ligne de force commune. La cohésion des groupes humains nécessite un point d'ancrage symbolique, mais dont l'évolution s'est orientée vers une attention accrue pour l'ici-bas et l'émancipation de l'individu. En ceci les traditions religieuses rejoignent et entrent en concurrence avec les philosophies laïques.

Jean-Brice Jost

*Jean-Brice JOST, docteur en médecine à Strasbourg, est féru de philosophie et co-animateur du café théologique qui se tient chaque mercredi au café Michel à Strasbourg, animateur du Café philosophique, Strasbourg.

 

Conférence de Pierre PRIGENT

Nous remercions vivement le professeur Prigent de nous avoir confié le texte de sa conférence?

"Le Jésus des Ecritures et le Jésus historique "

Par Pierre Prigent


Autrement dit le Jésus dont parlent les évangiles est-il bien le même que celui dont les historiens tentent de brosser le portrait ?
Tel est le titre que j'ai accepté parce qu'il parle à chacun quel qu'il soit. Il pose une question qui est une vraie question, encore faut-il en préciser les termes.
Cela pourrait commencer comme une plaisanterie : personne aujourd'hui ne conteste sérieusement qu'un personnage nommé Jésus a vécu dans la Palestine d'il y a quelque 20 siècles. Il y a exercé un ministère étonnant qui a fini sur une croix. Dans quelques jours nous allons, en foule, fêter l'anniversaire de ce Jésus..
Or l'année de sa naissance est loin d'être assurée : peut-être en l'an 6 avant notre ère. Mieux, ou pire : si l'on en croit les très nombreuses attestations littéraires, Jésus le Nazaréen est natif de Nazareth et les récits des deux seuls évangiles de Matthieu et de Luc qui le font naître à Bethléem sont comme des commentaires destinés à souligner que Jésus était un descendant de David, le roi originaire de Bethléem.
Et voilà que dès le début nous n'accédons à l'histoire qu'au travers des interprétations qu'en ont données les contemporains !

Cela révèle l'ambiguïté de mon titre : Si le premier terme est clair, le Jésus des évangiles, le second est tout à fait problématique : le Jésus des historiens ! Et comment donc l'historien travaille-t-il pour tenter de cerner un personnage du passé ? En utilisant de manière adéquate des documents du passé. Dans notre cas ce sont des écrits car, quoiqu'on en ait dit, l'archéologie n'est pas ici de grande ressource (Le récent concert médiatique sur la prétendue découverte de la tombe de Jésus n'a été qu'un feu de paille bientôt réduit à rien). Donc des écrits. Ils sont de deux sortes :
Il y a les évangiles dans lesquels on décèle d'évidentes traces d'une rédaction chrétienne soucieuse de montrer en Jésus le Seigneur des croyants. De ce fait ils sont suspects de partialité.
Et puis il y a des témoignages non chrétiens. Ces documents sont-ils au-dessus de tout soupçon ? Absolument pas. Les sentiments de leurs auteurs, leur hostilité méprisante envers le christianisme est également susceptible d'avoir altéré leur peinture.
Il y a plus : Tacite se borne à mentionner que Jésus a été condamné et exécuté par Pilate et si un certain Phlégon parle du séisme et de l'éclipse survenus d'après l'évangile de Matthieu à la mort de Jésus, c'est évidemment de cet évangile qu'il tire ses connaissances. Quant à la notice des Antiquités Juives de Flavius Josèphe, si on la lit dans sa version originelle à laquelle on accède en purgeant le texte des additions qu'une main chrétienne y a apportées, elle nous apprend que Jésus était un sage dont les disciples crurent qu'il revint à la vie après avoir été crucifié sous Pilate. L'esquisse est bien pauvre, il faut le reconnaître.
Alors notre question est-elle condamnée à rester sans réponse ? C'est trop vite juger !
Les évangiles, disions-nous, portent souvent les marques d'une rédaction croyante ? Eh bien, c'est le travail de l'historien de passer ces livres au crible de la plus sévère critique historique. Ce qui restera dans le tamis sera sans doute assez proche de l'histoire. Certes, il restera toujours une zone d'incertitude : nous ne sommes pas dans une science dure et la preuve absolue est difficile à administrer. Mais il y a des conjonctions de probabilités qui sont tellement impressionnantes qu'elles emportent la conviction.
Excusez-moi d'insister : il y va du choix de la méthode et du succès de l'entreprise. Il faut le dire tout net : lire les évangiles avec un a priori de défiance, c'est mal travailler. Il faut les lire en relevant les signes d'une rédaction partisane et tenter de retrouver le récit dans son état premier, antérieur à l'interprétation qu'en veut donner l'évangéliste. Ce n'est pas toujours facile, mais c'est loin d'être impossible. Sinon il n'y aurait plus d'historiens !
Je vais maintenant vous proposer quelques exemples. Ils veulent vous faire toucher du doigt les résultats que l'on peut obtenir en pratiquant cette méthode historique qui est grandement facilitée par l'existence de 4 évangiles dont les 3 premiers sont tellement parallèles que leurs différences sont souvent très significatives.
Relire les évangiles. Ce sont les mêmes que ceux où l'on cherche la bonne nouvelle du salut en Jésus. Mais la lecture doit changer tout en restant respectueuse. La foi des rédacteurs s'y exprime, mais, sauf signes évidents, ce n'est pas un tissu d'inventions. Il y a assurément une base historique solide. Comment l'atteindre ?

Voici quelques critères qui peuvent le permettre :
Les évangiles sont rédigés en milieu juif et pour des juifs. Donc tout ce qui se distingue et s'oppose aux traditions juives mérite d'être examiné avec une attention particulière.
Le christianisme, vers le dernier quart du 1er siècle (époque de rédaction des évangiles) se constitue en église et cette évolution marque souvent les textes. Quand ces marques sont évidentes, il convient d'utiliser ces documents avec circonspection avant de les traiter comme des sources historiquement fiables. Symétriquement, lorsque les textes se différencient de la pensée ou des usages de l'église primitive, leur témoignage prend une valeur remarquable.
Les évangiles sont 4. Malgré leurs spécificités propres, ils ont un même objet et sont souvent à ce point parallèles qu'on peut les comparer de près. Des silences peuvent être aussi révélateurs que des additions ou des corrections. Il arrive même qu'on puisse reconstituer l'évolution d'un récit en suivant les 4 versions successives qui nous sont données. En remontant le cours de la tradition on arrive à toucher du doigt, avec un assez haut degré de vraisemblance, la scène originale objet de ces développements.

Prenons l'exemple de ce qui nous est dit de Pilate : Dans ce cas privilégié nous lisons aussi ce que les écrivains du temps racontaient du personnage. C'était un homme assez odieux, tyrannique, cruel et dépourvu de scrupules.
Si nous lisons le récit du procès de Jésus chez Marc, le portrait est beaucoup moins sévère : Pilate insiste pour que Jésus se justifie, il le relâcherait volontiers. Il montre une vraie réticence à le crucifier comme la foule le réclame et ne s'y résout que pour calmer l'effervescence populaire.
Chez Luc Pilate répète par 3 fois qu'il juge Jésus innocent et c'est à contrecoeur qu'il cède aux exigences de la populace.
Pour Matthieu Pilate a parfaitement conscience que les chefs religieux juifs cherchent à éliminer un rival dangereux. Au cours du procès la femme de Pilate lui fait dire que l'innocence de Jésus lui a été révélée en songe : il ne faut pas condamner cet homme de bien ! Pilate tente une dernière fois de sauver Jésus, mais la colère du peuple tourne à l'émeute. Alors Pilate s'en lave les mains tandis que la foule crie " Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants ".
Quelques années plus tard, voici comment l'évangile de Jean rapporte la scène : Pilate devient presque admirable. Il commence par refuser d'instruire l'affaire et, quand il s'y résout, c'est pour ouvrir un dialogue dans lequel Jésus le fait douter de soi : Qu'est-ce que la vérité ? se demande-t-il et par 2 fois il déclare Jésus innocent. Puis il discute avec l'accusé sur le thème du pouvoir et cherche à le relâcher. Les juifs le menacent de le dénoncer comme rebelle à l'autorité de l'empereur. L'argument porte, Pilate cède, non sans présenter Jésus à la foule en proclamant : Voici votre roi !
Quelques décennies plus tard les Actes apocryphes de Pilate feront de lui un crypto chrétien.
La conclusion s'impose : on cherche à innocenter de plus en plus nettement le préfet romain du crime d'avoir condamné et exécuté Jésus. Symétriquement on charge de plus en plus le sanhédrin, puis la foule qu'il excite, enfin les juifs. Il s'agit évidemment de montrer que le représentant de l'état ne voulait pas s'opposer à Jésus . Donc l'administration impériale ne devrait pas persécuter les chrétiens. Quant au judaïsme qui s'oppose toujours plus durement au christianisme naissant, on en dénonce toujours davantage la haine qui l'a poussé à faire condamner Jésus.
Où est la vérité historique ? Quand on a discerné le sens de l'évolution des textes, on ne se trompera pas beaucoup en remontant le cours du fleuve : c'est Pilate qui, sans hésitation, a condamné Jésus et l'a fait exécuter. Il s'est prononcé au vu d'une accusation portée par le sanhédrin conduit par les grands prêtres. Ils dénonçaient Jésus comme un homme dangereux pour l'ordre public et craignaient l'influence de ce prophète que beaucoup écoutaient volontiers.

Ce dernier point mérite l'attention : les évangiles nous ont habitués à penser que Jésus a toujours suscité des réactions hostiles dans la société juive de son temps. Mais une lecture soigneuse des évangiles relève dans les récits les traces d'une réalité beaucoup plus nuancée : Quand Jésus arrive à Jérusalem il discute à plusieurs reprises avec des Sadducéens. Or ceux-ci n'osent pas manifester ouvertement leur hostilité : ils craignent la foule !
La parole de Jésus : Rendez à César ce qui est à César leur ferme la bouche tandis que la foule l'écoute avec plaisir.
Lors d'un entretien particulier un scribe n'hésite pas à manifester son estime pour ce maître dont il approuve l'enseignement.
Quand les évangiles se plaisent à dénombrer par milliers les auditeurs rassemblés aux pieds du maître qui annonce un évangile de paix et d'amour, il ne faut pas trop se hâter de refuser entièrement ce témoignage.

Les 4 évangiles rapportent la scène que l'on a coutume d'appeler l'onction à Béthanie.
Pour Marc et Matthieu Jésus est invité chez un certain Simon à Béthanie. Une femme oint Jésus de parfum ce qui fait scandale. Mais Jésus veut comprendre qu'elle a préfiguré son ensevelissement.
Relevons les signes d'authenticité : Simon est un parfait inconnu. La femme aussi. Béthanie ne jouit d'aucun prestige dans le christianisme primitif.
On relève en sens contraire l'interprétation par Jésus du geste de la femme : il suppose, dit-on, que la fin de l'évangile est connue : Jésus ne pourra être embaumé comme les femmes le souhaitaient Mc 16,1-8. Eh bien, la femme de Samarie a par avance pallié cet échec.
L'argument n'a pas la force qu'on lui donne : Jésus a à plusieurs reprises annoncé qu'il allait à la mort. Il n'est donc pas impossible qu'il ait interprété en ce sens le geste de la femme.
Plus sérieuse est la réflexion que fait naître le verset où Jésus dit que partout où l'Evangile sera proclamé dans le monde on racontera ce qu'a fait cette femme (Mc 14,9). L'allusion à une lecture ecclésiale de l'évangile et la pointe universaliste sont peu vraisemblables dans la bouche de Jésus.
Pour Luc la femme est une pécheresse et devient donc un exemple type du pardon des péchés, affirmation centrale pour Luc ; on se souvient que le chap. 15 de son évangile est consacré aux exemples du pardon des péchés de ceux qui sont perdus.
Jean situe la scène dans la maison de Lazare dont la sœur Marie est la femme au parfum. C'est Judas seul qui se scandalise.
Que s'est-il passé ? Sans doute à peu près ce que Marc rapporte mais il y ajoute une allusion aux pratiques liturgiques et aux espérances universalistes de son église. Luc trouve là une confirmation de la couleur particulière qu'il donne à l'évangile.
Donc on soupçonne l'histoire, mais on constate qu'elle est presque inextricablement liée à la prédication ultérieure de l'église. Pour les évangélistes c'est cela l'Evangile : une histoire qui reste vivante.

Jésus et le Temple
Selon Marc et Matthieu Jésus s'est à deux reprises exprimé sur le temple et son culte
Lors de son entrée à Jérusalem. C'est l'épisode des vendeurs chassés du temple ( Mc 11,15-17 ; Mt 21,12-13).
Au cours du procès, pendant l'interrogatoire par le grand prêtre (Mc 14,55-59 ; Mt 26,59-61) tout tourne autour d'une parole de Jésus annonçant la destruction du temple..
Luc ne retient que les vendeurs chassés (19,45-46). Mais au cours du " procès " d'Etienne, il est question de la parole de Jésus contre le temple (Ac 6,13-14)
Jean unit les deux thèmes, les place au début du ministère de Jésus et leur donne une profondeur nouvelle (Jn 2,14-19).
Il faut examiner les textes avec attention :

Les vendeurs chassés du temple.
Jésus s'en prend à une pratique tout à fait admise par le judaïsme contemporain De quoi s'agit-il ? Le parvis des païens est dans l'enceinte sacrée une place où se tient continuellement un marché dont l'activité principale est centrée sur le service du culte ; on y vend les animaux des sacrifices et on y change les monnaies pour éviter les pièces étrangères. Mais il faut ne pas se méprendre. La question n'est pas de bannir les images païennes imprimées sur des pièces. La preuve en est que les seules pièces d'argent admises étaient les monnaies de Tyr qui pourtant offraient d'un côté la tête du Dieu de la ville et de l'autre un aigle qui, comme chacun sait, est le symbole de Zeus. Jésus ne s'en prend pas à la violation du commandement interdisant les images, mais au mercantilisme qui dénature le culte et donc la relation à Dieu, car sa grâce ne s'achète pas.
Deux citations des prophètes permettent de préciser le sens de la scène :
Es 56,7 " Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations " . Les 4 derniers mots sont absents chez Matthieu et chez Luc . De ce fait la citation prophétise un culte spiritualisé. Marc qui a conservé le texte d'Esaïe privilégie donc la pointe universaliste de la prophétie : Dieu annonce qu'à la fin le temple sera celui de tous les humains.
Jér.7,11 : "Vous en avez fait une caverne de bandits ". Le prophète condamne un culte réduit au seul aspect rituel. On rapprochera Za 14,21 où la pointe eschatologique est plus nettement soulignée : quand Dieu manifestera son règne, il n'y aura plus de marchands dans la maison du Seigneur.
Si c'est bien le sens que Jésus a voulu donner à son geste, on comprend le scandale : il ose prétendre qu'en lui s'accomplissent les prophéties du royaume final !

La parole contre le temple.
Il y a lieu de s'étonner grandement : la parole annonçant la destruction du temple joue un rôle capital dans les procès de Jésus et d'Etienne. Or tous nos textes s'accordent pour dire que l'accusation est formulée par des faux témoins.
Mais qu'est-ce que Jésus a dit au juste ?
Selon Marc il annonce qu'il détruira le bâtiment édifié par les hommes et en rebâtira un qui sera spirituel.
Pour Matthieu Jésus s'est borné à dire qu'il pourrait détruire.
Selon les Actes Jésus aurait dit qu'il détruirait ce lieu saint et changerait les lois transmises par Moïse.
Que conclure ? Jésus a prononcé des paroles contre le temple, annonçant sa destruction. Or au moment où Marc écrit le temple n'est pas encore détruit. C'est pourquoi Marc attribue l'accusation à de faux témoins et il spiritualise la menace prononcée par Jésus. Matthieu manifeste sa réserve en se contentant d'affirmer que Jésus a seulement dit qu'il pourrait détruire. Du reste ce ne sont là que faux témoignages.
Le texte des Actes nous donne sans doute la clé du problème : Jésus a bien annoncé qu'il détruirait le temple, mais cela signifiait qu'il mettrait fin à une religion basée sur un culte purement rituel.
La question qui se pose aussitôt est de savoir comment Jésus conçoit cette révolution capitale. C'est le grand prêtre qui peut nous suggérer la réponse. Aussitôt après l'accusation d'avoir annoncé qu'il détruirait le temple, le grand prêtre questionne : Es tu le messie ? L'interrogation est très logique : seul le messie peut envisager un bouleversement aussi radical qui est en réalité un véritable changement de religion.
La réponse de Jésus demande à être bien comprise. Il commence par acquiescer. Il est bien le messie et l'on sait que la réponse pour Jésus ne va pas de soi. A plusieurs reprises il a ou bien refusé de répondre ou bien demandé à ceux qui confessaient sa messianité de garder le silence. Il est d'autant plus intéressant de noter qu'ici il accompagne son acquiescement d'une phrase qui exprime plus qu'une réserve : " Je le suis, et vous verrez le Fils de l'homme .. "Ce titre, qui vient des prophéties de Daniel (7,13ss), revient dans les évangiles 38 fois et toujours dans la bouche de Jésus. Ce titre messianique n'a guère connu de succès ni dans le judaïsme ni dans le christianisme primitif. C'est donc Jésus lui-même qui a privilégié ce titre et les idées qui s'y rattachent. Quelles sont-elles ?
Il n'est pas question de développer ici l'histoire et les résonances du titre Fils de l'homme. Nous nous limiterons à en souligner un trait capital : d'abord Jésus, qui se dit Fils de l'homme, poursuit très fréquemment en ajoutant que le Fils de l'homme doit souffrir (Mc 8,31 ; 9,12 ; 10,45etc ).Citons la parole que marc a retenu (Mc 14,21) : " Voici que nous montons à Jérusalem et que va s'accomplir tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l'homme ".
Où était-il écrit que le Fils de l'homme devait souffrir ? La réponse ne s'impose pas et on comprend bien pourquoi aucun des évangélistes n'a cru possible de citer à ce propos un texte des prophètes.
Mais on doit ouvrir la question : il y a dans l'Ancien Testament des prophéties qui annoncent les souffrances et la mort d'un envoyé de Dieu. On pensera aux chants du Serviteur qu'on lit vers la fin du livre du prophète Esaïe : il est question de la venue d'un personnage mystérieux venu pour être Le Serviteur de Dieu. Il doit être humilié et maltraité, mais ce sont nos souffrances qu'il porte. Il se dépouille jusqu'à la mort. Il porte les fautes de beaucoup…

Il est donc plus que vraisemblable que Jésus a eu la conviction d'accomplir la prophétie d'Esaïe. Cela revient à dire que Jésus a voulu être un messie très inattendu : en lieu et place de la gloire et du pouvoir traditionnellement promis au messie, il se sait appelé à souffrir et à mourir d'une mort dont l'effet salvifique atteindra des foules.
Peut-on aller plus loin sans recourir à des suppositions relatives à la psychologie de Jésus ?
Peut-être : un texte de Jean suggère une réponse possible. Jésus dit que celui qui croit en lui a la vie éternelle. Il ne vient pas en jugement car la Père a confié au Fils d'exercer le jugement parce qu'il est le Fils de l'homme (Jn 5,24-27). Comme le Fils de l'homme de Daniel doit exercer le jugement à la fin des temps, c'est donc qu'avec Jésus les derniers temps de l'histoire du salut sont arrivés. C'est lui le juge et son jugement est un verdict de vie car il souffre et meurt pour les hommes. Il est et le juge et le jugement. Sa mort est le signe d'une alliance nouvelle que Dieu conclut avec l'humanité sur le modèle de l'ancienne alliance.
Jésus a-t-il pensé cela ? On peut seulement dire que c'est assez vraisemblable.
Si tel est le cas, on comprend mieux l'interrogatoire du grand prêtre : es tu le messie ? Oui, mais un messie qui accomplit les prophéties du fils de l'homme, du Serviteur souffrant, qui porte les peines des hommes jusqu'à mourir pour eux. C'est l'alliance nouvelle , c'est la nouvelle religion annoncée par les prophètes.
Alors le grand prêtre se prononce pour une condamnation sans appel : la parole de Jésus contre le temple prend en effet une résonance universelle.


Le double commandement d'amour
Une bonne partie de l'activité publique de Jésus a consisté en entretiens : avec un paralytique, un lépreux, avec Jean-Baptiste et ses disciples, avec des pharisiens, des scribes, une foule, ses propres disciples, un démoniaque, Jaïrus chef de la synagogue, avec la Samaritaine, un sourd-muet, un aveugle, Bartimée, Nicodème…Ce sont donc des moments importants du ministère de Jésus. Que pouvons-nous en penser ?
Prenons un exemple. Il est 3 fois attesté et donne lieu à une parole lourde de sens : l'entretien de Jésus avec un scribe sur le plus grand commandement. Prenons la relation la plus ancienne : Mc 12,28-34. Mais est-ce la plus ancienne ? Regardons l'évangile de Marc. On vient de raconter l'entrée de Jésus à Jérusalem. C'est donc le début de la période décisive du ministère de Jésus. Or, pour un lecteur attentif, c'est l'occasion d'une série d'entretiens de Jésus avec les représentants les plus qualifiés du judaïsme.
En vertu de quelle autorité agis-tu ainsi, questionnent les grands prêtres, les scribes et les anciens, énumération qui évoque la composition du sanhédrin.
Ensuite des Pharisiens et des Hérodiens tendent un piège : est-il permis de payer l'impôt à César ?
Puis des Sadducéens veulent le mettre dans l'embarras avec leur insidieuse question sur la résurrection.
Enfin vient notre texte qui met en scène un scribe.
Cela ressemble bien à une série organisée. On peut même préciser : c'est une série antérieure à Marc et qui veut montrer que Jésus a su répondre aux questions les plus captieuses des plus sages représentants du judaïsme. Antérieure à Marc disions-nous ? On peut le prouver ! Deux indices le montrent :
D'abord dans cette collection enthousiaste Marc a introduit un morceau de tonalité plus désabusée : la parabole des vignerons homicides. Au moment où Marc écrit, vers l'an 69, l'optimisme des premiers temps n'est plus de mise. Le judaïsme s'est durci dans son opposition et l'on se met à l'accuser de la mort de Jésus.
Ensuite si vous lisez attentivement tout l'évangile de Marc, vous vous convaincrez que les scribes sont régulièrement dépeints comme les opposants types à Jésus et à son Evangile. Après la remarque précédente nul ne s'en étonnera. Or dans notre texte le scribe est un personnage bien sympathique. Sa question est pertinente : comment se conduire saintement au regard des 613 commandements que le judaïsme le plus scrupuleux dénombre dans les lois de MoÏse ? Et Jésus répond avec bienveillance, commençant par citer le Shema qui est le cœur de la foi juive. Le scribe applaudit à cette sagesse inspirée : ce résumé de la loi est bien la pieuse obéissance qui vaut mieux que les rites et les sacrifices. Enfin Jésus le déclare tout proche du royaume des cieux.
Ce n'est pas la plume de Marc, ce contempteur des scribes, qui a brossé ce portrait. Cela vient de plus loin, d'une époque où l'on se réjouissait de voir Jésus accueillir ceux des juifs qui semblaient disposés à recevoir son message.
Marc a trouvé ce récit au sein de la série des entretiens de Jésus, et qu'en fait-il ? Comment termine-t-il la scène ? " Tu n'es pas loin du royaume de Dieu " dit Jésus et cette phrase que l'on pouvait entendre comme pleine d'un magnifique espoir se met à résonner comme un constat d'échec : Tu n'en es pas loin, mais pour y entrer il faut plus qu'une approbation du message de Jésus. Il faut se convertir et le suivre. Du coup, poursuit le texte de Marc, personne n'osait plus l'interroger.
Ainsi les très anciens souvenirs optimistes sont-ils colorés par la désillusion de la 2ème génération.
Mais suivons le récit au cours des âges :
Voici Matthieu. L'interlocuteur n'est plus un scribe sympathisant mais un légiste insidieux. La réponse de Jésus ne cite plus le Shema et les deux commandements, qui n'en font plus qu'un, ne résument plus la seule loi des cinq premiers livres de la Bible, ils disent le sens profond de toute l'histoire sainte que Dieu conduit en parlant à on peuple par les prophètes.
Quant à Luc, non seulement il n'a plus conscience d'utiliser la série d'entretiens dans lesquels Jésus sait si bien répondre aux chefs des juifs, mais encore il transporte de débat dans un tout autre contexte : le sien. La question n'est plus de déterminer le premier commandement de la loi juive, mais : Que faire pour accéder à la vie éternelle. L'interlocuteur sait donner la bonne réponse. Il sait. Mais, poursuit Jésus, savoir ne suffit pas. Il faut faire. Et c'est bien pourquoi le texte poursuit en racontant l'histoire du Bon Samaritain.
Que conclure ?
D'abord que si nous remontons le fil du temps, nous nous rapprochons indiscutablement de l'histoire. Mais ne nous y trompons pas : nous n'atteignons encore que les plus anciens témoignages. Et si vous allez jusqu'à remarquer que la très ancienne collection d'entretiens de Jésus est marquée par l'espoir qui anime le cercle des premiers disciples, je ne peux rien objecter. Alors ?
Deuxième conclusion : il y a un cadre historique. Il est assez précis même si quelques traits demeurent flous. Bien. Mais il y a plus : il y a le témoignage de ceux qui ne se lassent pas de raconter l'histoire et qui le font avec la conviction que cette vieille histoire est aussi la leur. C'est une histoire vivante comme le Jésus dont elle rapporte les paroles. Ils ont trouvé l'histoire tellement vraie que leur vie comme celle de leur église et de tous les croyants peut en être affectée.
Jésus n'est pas seulement un sage érudit, c'est le Seigneur qui ouvre le royaume à qui se convertit.
Il est le maître qui permet une lecture vive de la Bible.
Il est enfin celui qui appelle à une obéissance d'amour agissant.
Et le lecteur qui au terme de cette découverte historique se met à réfléchir en vient à poser cette question dernière : et pour moi, qui est-il et que veut-il de moi ?

L'homme riche (Mc 10,17ss)
L'homme vient à Jésus avec cette interrogation brûlante : que faire pour avoir la vie éternelle ? Jésus renvoie à la loi juive dont il ne cite très étrangement que la deuxième moitié des dix commandements, le dernier étant résumé par la formule : "Tu ne feras de tort à personne ". Ce sont, on le note tout de suite, les commandements qui ne concernent que la conduite envers les hommes. L'homme dit qu'il a vécu cela et Jésus ne le contredit pas. Mais, le regardant avec amour, il énonce une nouvelle exigence: tout laisser pour le suivre. C'est une réinterprétation bouleversante des premiers commandements du décalogue qui parlent des devoirs envers Dieu : un seul Dieu et pas d'idoles. Et voici l'inattendu : être ainsi fidèle à Dieu, c'est suivre Jésus. Alors on entre dans le royaume de Dieu.
C'est un message extraordinaire et qui correspond bien au résumé qu'en donne Marc (1,15) pour présenter le début du ministère de Jésus : " il proclamait l'Evangile de Dieu et disait : le temps est accompli, le royaume de Dieu s'est approché, convertissez-vous et croyez à l'Evangile ".
Le royaume est venu, il est là lui que tout le judaïsme attendait pour un futur dernier.
C'est aussi l'objet des paraboles du royaume : parabole du semeur qui fait entendre en ce monde les mystères du royaume ; parabole de l'ivraie qui pousse en même temps que le bon grain du royaume ; parabole du grain de moutarde devenant l'arbre du royaume où tous les oiseaux de la création peuvent trouver refuge ; parabole du levain dont une miette fait lever toute la pâte comme un mot d'Evangile peut transformer l'humanité en peuple de Dieu ; parabole de la perle cachée que l'on se hâte d'acheter en vendant tous ses biens pour acquérir le trésor sans prix qu'est le royaume.
" Heureux les pauvres de cœur, a dit Jésus, le royaume des cieux est à eux "
" Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux ".
Assurément nous sommes là devant l'aspect le plus original, le plus inattendu, le plus authentique du message de Jésus. Personne ne peut assurer que nous entendons là ses propres mots, mais il est clair que ce n'est pas une traduction fautive de ce qu'il est venu proclamer dans notre monde. Nous ne l'entendons et ne l'entendrons jamais que transmis par des bouches humaines. Si ces témoignages sont marqués au sceau d'une foi pour laquelle ces hommes ont souvent joyeusement donné leur vie, il nous faut seulement les recevoir avec reconnaissance : il y a là une vérité que nous transmet l'histoire bien qu'elle transcende toutes nos histoires.

Le 29 novembre 2012 à Saint-Matthieu à Strasbourg

P. P.

* Professeur émérite de la Faculté de Théologie Protestante de Strasbourg, Pierre Prigent a publié de nombreux ouvrages, notamment un commentaire du livre de L'Apocalypse, récemment, "La foi au risque de l'histoire", et " Des paroles de Jésus à la Bible. L'Eglise des années 100 à 250 " (aux éditions Olivétan, décembre 2011).



 

Résurrection et Logos (Verbe)

par Jean-Paul Sorg


Non seulement les hommes savent tous qu'ils sont mortels, les uns et les autres, mais encore ils pensent que l'humanité comme telle, l'espèce humaine, l'est ; que le monde où ils vivent disparaîtra un jour, que la terre qu'ils habitent n'est pas éternelle au sein du cosmos. Éternité du cosmos même ou de l'univers, éternité du ciel, éternité de l'être, oui, c'est une manière de penser (sans recours au big bang !), mais le monde présent, tel qu'il nous apparaît, en la figure qu'il a prise pour nous, est destiné à périr.
D'où vient aux hommes l'idée au fond étrange, non empirique en tout cas, du caractère éphémère ou passager du monde terrestre où se déroule leur existence ? Nul ne peut, évidemment, rapporter et transmettre l'expérience d'une fin dernière et totale. " La mort n'est pas un événement de la vie " (Wittgenstein). Ce qui est vrai pour chacun, pour chaque individu dans sa solitude de sujet unique, l'est aussi, a fortiori, pour l'ensemble de l'humanité (si un tel ensemble peut être considéré). Pas de survivant : pas de récit. Pas d'histoire. Donc, l'inconcevable rien. Comme si rien n'avait eu lieu. Pas de Verbe : pas de fin.
Rien n'aura eu lieu que le lieu ? Même pas. Pas de temps : pas de lieu.

Le mot " fin " a en français deux sens : but et terme (terminus). Il n'y a pas de logique absolue à ce double sens, c'est juste une donnée singulière de la langue française, qui excite la pensée, qui semble intéressante, mais prenons garde. Le terme ne coïncide pas forcément avec le but, visé et désiré. Et même : à supposer qu'on atteigne le but, qu'on y soit et que l'on puisse juger, il ne correspondra jamais à la promesse ou à l'espérance. Cette terre que l'on a gagnée n'est pas entièrement et définitivement celle que l'on cherchait et qui avait été promise ; ce prophète qui a laissé entendre qu'il était le messie est-il vraiment le Christ sauveur venu ouvrir le royaume des cieux ? L'humanité ne paraît pas sauvée après son passage et son sacrifice. Ce qui arrive n'a jamais l'air d'être ce que l'on voulait et se représentait. L'expérience faite n'est jamais à vue humaine que celle d'un échec et l'histoire, une continue déception. Le terme est toujours prématuré, un événement " avant terme ". Rien n'a été terminé, mais c'est fini, la partie est finie. Mort, voilà ta victoire ?
Non, l'esprit (le logos) ne saurait en rester là. Il passe outre. L'eschatologie n'est pas une prophétie de la mort, l'annonce d'une mort qui serait la fin (le terme) ou l'annonce d'une fin prochaine qui ne serait rien d'autre que la mort ; le propre de l'imagination eschatologique est d'aller au-delà et donc de figurer une négation de la mort ou une victoire sur la mort, conçue non comme inconcevable, comme néant, trou noir, rien, mais comme épreuve qui détermine le passage vers… autre chose, une autre vie, une autre forme d'existence. Pour les méchants, l'enfer ; pour les justes, le paradis. Pour les moyens, un plus ou moins long purgatoire !
La mort est niée, en tant que terme sans lendemain, instant dernier sans avenir ; elle est niée dans l'affirmation, digne de foi, d'une résurrection ou d'une renaissance. Donc, d'un recommencement, non pas du même (idée de l'éternel retour), mais différent. " Je ferai toutes choses nouvelles. " Le souffle de l'eschatologie, comme souffle de vie éternelle dirigée contre le phénomène de la mort, est également puissant et fécond, que le temps soit conçu sur un mode cyclique ou sur un mode linéaire. La réincarnation dans la roue cosmique relève de l'imagination (ou spéculation) eschatologique aussi bien que la résurrection au bout de l'histoire et le tribunal dernier. Si les thèmes et les improvisations diffèrent, le sens et le gain sont d'un même ordre : l'occultation de la mort.
La pensée de la résurrection n'est donc pas si extraordinaire, elle n'est pas seulement le point faible, le point de folie, le délire, le génie du seul christianisme ; elle appartient au logos tel qu'il peut habiter l'esprit des hommes, l'esprit de l'espèce qui a l'intelligence de sa mort terrestre et appréhende son existence dans le temps. Pour autant, la résurrection n'a jamais la force d'une réalité, elle n'est pas un événement de la vie (soit dit en détournant la formule de Wittgenstein), elle ne peut être vécue.
Que la pensée eschatologique soit inspirée par la hantise de la mort qui, elle, est ce qui fait penser les hommes (ce qui fonde le logos), voilà une hypothèse qui séduit assez. Nous ajouterons à cette hantise générale et diffuse, intrinsèque à l'âme, l'expérience ou la mémoire collective de catastrophes qui rappellent à l'homme sa précarité et lui signifient que sa condition est terrestre, donc à la merci des " caprices ", des irrégularités, des déchaînements de la terre comme du ciel. Difficile de croire que le bonheur de l'espèce humaine soit une finalité de la création. De là le saut sur un autre plan, l'ouverture métaphysique. L'idée de l'âme et le souci de son soin. L'invention de l'invisible.
J.-P. S.

Albert Schweitzer parmi " les grands mystiques " du Point

Le Point, dans sa série "Références", a consacré un dossier aux "Grands mystiques", et compte parmi eux Albert Schweitzer.

Prise de position de Jean-Paul SORG.

Satisfaction de voir La Vie de Jésus d'Albert Schweitzer évoquée sur deux pages, l'une de commentaire, l'autre de citations, dans le numéro janvier-février 2012 de la revue Le Point série Références, consacré aux " Grands mystiques " universels. Schweitzer n'a pas été ignoré. L'article et le choix des textes sont du pasteur Michel Cornuz, auteur d'un ouvrage Le Protestantisme et la Mystique. Entre répulsion et fascination (Labor & Fides, 2003).

Deux remarques critiques, cependant. La première, d'ordre bibliographique. Pour le principal texte de référence, des extraits du dernier chapitre de l'Histoire des recherches sur la vie de Jésus, on renvoie à la publication qui en fut faite en 1994 dans Études Théologiques et Religieuses. Traduction J. - P. Sorg. Très bien, mais l'auteur, Michel Cornuz, aurait trouvé l'intégralité du texte dans l'anthologie thématique Albert Schweitzer, Humanisme et Mystique, parue chez Albin Michel en 1995, une édition plus accessible, même si elle est épuisée depuis trois ans. En outre, le chapitre XIV de ce volume de 534 pages s'appelle " Mystique et raison "; son introduction et les textes afférents auraient fourni à l'auteur des éléments plus divers et plus précis pour son analyse que ceux dont il s'est servi.

La mystique selon Schweitzer, dénuée d'extases, sans rapport aucun avec le surnaturel, y est définie comme la conscience aiguë du… mystère de la vie. Glissement de mystère à mystique : c'est facile, c'est superficiel ? Plus profondément, chacun peut ressentir quelque chose comme une union mystique avec le tout lorsqu'il s'aperçoit que son action va dans le sens de la vie, en contribuant à la conserver et à la favoriser, lorsque sa volonté est sur le moment conforme à la volonté de vie qui traverse et pénètre la création.
Voilà une conception singulière, sobre, purement philosophique et ainsi laïque. Elle se trouve exposée dans l'ouvrage de 1923, Kultur und Ethik (" La civilisation et l'éthique "). On la distinguera de la mystique chrétienne de la relation à Jésus, telle qu'elle conclut l'examen critique de la Geschichte der Leben-Jesu-Forschung (l'" histoire des recherches sur la vie de Jésus "), ouvrage de 1906. C'est aux dernières phrases, surprenantes, toutes personnelles, de la "considération finale" de cet ouvrage que se reporte à juste titre M. Cornuz. Mais dans son explication il commet un incroyable contresens, caractéristique, me semble-t-il, d'une orthodoxie protestante qui affirme spontanément la divinité de Jésus (le Christ) et ne peut s'en tenir à la seule humanité du Jésus historique de Nazareth.

Schweitzer écrivait que "nous ne disposons d'aucun terme capable d'exprimer sa nature". Christologie négative, si vous voulez, et donc mystique par là, car nous laissant sans révélation en face du mystère. Il continuait : " C'est comme un inconnu, sans nom, qu'il [Jésus] vient vers nous, comme en son temps, sur les rives du lac de Tibériade, il s'était approché des hommes qui se tenaient là et ne savaient qui il était. Il nous dit la même parole qu'à eux : Toi, suis-moi… " M. Cornuz explique que " Schweitzer fait allusion à la rencontre des disciples avec le Ressuscité au bord du lac de Tibériade " - et de renvoyer à Jean 21, 4-8. Mais tout montre, et d'autres textes le corroborent, que Schweitzer avait en tête ici Matthieu 4, 18-22 (ou Marc 16-20). Nous nous trouvons au commencement du ministère de Jésus et celui-ci apparaît à quelques pêcheurs du lac de Tibériade comme un " inconnu ", effectivement, qui les subjugue par son charisme, mais à l'heure qu'il est nul ne peut savoir qu'il est le Christ (peut-être lui-même ne le sait-il pas). Si sa nature est divine, cela n'est pas encore révélé. Il ne s'agit donc pas du tout d'une rencontre ultime (qui serait pour le coup mystique ou surnaturelle) avec le Ressuscité. Il s'agit du commandement initial : " Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes " (Marc 1, 17). C'est cela qu'entend Schweitzer dans le message de Jésus, qui vaut, pense-t-il, pour nous aujourd'hui. Nous avons à devenir des " pêcheurs d'hommes " à notre tour. C'est-à-dire : veillons autour de nous à ce que l'homme se reprenne et ne périsse pas…
"Jésus a soudé si étroitement l'une à l'autre religion et humanité qu'il n'y a plus de religion sans vraie humanité et que les devoirs de la vraie humanité ne se conçoivent pas sans religion". Ainsi Schweitzer s'était-il exprimé dans un sermon du 6 janvier 1905, à une période critique de sa vie où il dût décider de son engagement humanitaire dans les missions.
Il est significatif que le pasteur Michel Cornuz, tout occupé par le thème obligé de la mystique, ait étourdiment précipité Schweitzer dans une relation avec le " Ressuscité ", alors que selon lui, est-ce toujours une hérésie ?, l'homme historique Jésus constitue une réalité spirituelle suffisante pour induire une relation mystique de volonté à volonté, comme peut être toute relation humaine approfondie par l'amour.

Jean-Paul Sorg

L'avenir et ses racines

"Notre société n'acceptera jamais de retourner en arrière" déclare un défenseur patenté du nucléaire (émission Alsace 20 du 23 octobre 2011).
Il est vrai que la "société" a pris ses habitudes... Notre système économique nous a "éduqués" à un tenir rythme de consommation effréné, jusqu'à l'absurde. La loi suprême devient le "je veux tout tout de suite" - n'allez surtout plus chercher la perceuse chez votre voisin, ayez la vôtre chez vous à portée de main ; ne sortez plus vos services de table que vous avez hérités et précieusement conservés, mais achetez design et tendance, et faites-le le plus souvent possible.
Force est de constater que nos civilisations technologiques basées sur une économie qui "tient" par la loi de la croissance positive n'ont plus d'avenir si elles ne changent pas d'orientation significative, le monde risquant de devenir de plus en plus dégradé et d'être de moins en moins viable. Continuer, comme si de rien n'était, risque de compromettre l'avenir de l'humanité.
Les changements nécessaires demandent à la fois une prise de conscience et une réelle volonté politique :
- une prise de conscience qui s'appuie sur une évaluation des risques de notre fonctionnement, basée sur les analyses aussi scientifiques que possible ;
- la volonté politique de mettre en oeuvre les nécessaires changements et qui ne s'incline pas devant des critères économiques qui se voudraient définitifs et immuables.

Une prise de conscience qui n'oublie pas l'humain
Notre travail dans le cadre de l'Union Protestante Libérale cherche à favoriser cette prise de conscience, en laissant à chacun le soin de définir ses engagements politiques. La pensée "libérale" à laquelle nous nous rattachons défend, rappelons-le, une libre réflexion en matière de spiritualité, basée sur des analyses scientifiques des textes dits fondateurs du christianisme, et suppose une émancipation par rapport à des dogmes qui s'imposeraient sans conditions. Elle nous amène, en toute logique, à analyser aussi les règles de fonctionnement du monde économique et à ouvrir une voie pour s'en émanciper et les transformer lorsqu'elles portent préjudice à la dignité humaine, ou même, mettent l'avenir de l'humanité en danger.
En favorisant la réflexion plutôt que le repli sur des systèmes qui nous enferment de façon telle que l'avenir risque d'être derrière nous, nous avons aussi le souci de rendre à l'adjectif "libéral" toute sa dimension humaine. Cela suppose des choix mais aussi des convictions :
Le progrès technologique est, en toute logique, au service de l'homme et du devenir de son espèce. Mais lorsqu'il évolue de façon irréfléchie, on ne peut plus l'appeler progrès. Par ailleurs, une vie épanouie n'est pas a priori le fait d'une satisfaction de besoins artificiellement créés. Enfin, le progrès ne dépend pas d'une croissance qui ne fait, aujourd'hui, que creuser le fossé entre ce qu'on appelle parfois encore les classes sociales. La surconsommation enchaîne plus qu'elle ne libère l'individu : jusqu'à faire descendre dans l'abîme ceux qui ne peuvent plus suivre le rythme de la société de consommation.

- Le débat sur le nucléaire (27 octobre 2011) cherche à clarifier les enjeux du choix énergétique actuel et à trouver de nouvelles voies.
- La conférence sur la "théologie américaine du process" (29 novembre 2011) pose la question de l'engagement chrétien face à l'avenir.
- La conférence sur le christianisme social (12 janvier 2012) pose la question des changements de société nécessaires pour réduire les injustices et les atteintes à la dignité humaine.
- Le débat sur la violence dans les écrits fondateurs des grandes religions (conférence du 2 février 2012) veut nous aider à appréhender la situation d'aujourd'hui.
- Le colloque sur l'histoire du protestantisme libéral en Alsace nous permettra de retrouver certaines de nos racines pour mieux avancer dans notre réflexion actuelle.

Intégrer le passé et le présent pour ouvrir l'avenir
Nos engagements au niveau de l'Union Protestante Libérale ne font pas fi du passé. Nous cherchons à comprendre les doctrines chrétiennes et les doctrines économiques dans leur contexte historique. Ce passé, ce sont nos racines, elles donnent sève et vie à ce que nous entreprenons aujourd'hui. Nous en avons besoin, tel un arbre, pour construire l'avenir. Le passé est constitutif de notre identité. La conscience que nous avons du passé et de la réalité du monde d'aujourd'hui, de ses richesses, de sa beauté, des acquis qui font vivre, nous aide à nous en libérer, si besoin est, et, si la volonté s'allie à la logique, à envisager l'avenir avec espérance.
Les effets pervers du progrès d'aujourd'hui et l'intelligence que nous en avons, nous conduiront sans doute aussi, en certains domaines, à quelque retour en arrière.
Conscients de notre appartenance à l'humanité, conscients d'être liés par une destinée commune, nous nous engageons à faire tout notre possible pour laisser aux générations à venir un monde où qualité de vie et dignité humaine se conjuguent.

Ernest Winstein

 

Pour nous contacter :

Union Protestante Libérale / Ernest Winstein 31 Rue des Foulons F - 67200 Strasbourg ;

Tél. 06 10 92 92 42 Courriel : winstein@free.fr ou unionprotlib@free.fr